Dès 1971, TotalEnergies a été alerté qu’un dérèglement sans précédent du climat était en cours que la combustion d’énergies fossiles au cœur de ses activités en était une des causes principales et que, si l’entreprise pétrolière et gazière n’opérait pas une transition vers les énergies renouvelables rapidement, les conséquences pour l’humanité seraient catastrophiques.

Comment les dirigeants de Total ont-ils réagi à ces alertes ?

1971

Total publie dans Total Information un article sur les sciences du climat et les alertes qui émergent depuis les années 1950.

Le ministère français de l’Environnement est créé, à la veille de la première conférence des Nations Unies sur l'environnement de 1972.

Elf et Total créent leurs Départements Environnement.

1982

Alors que le lobby international du pétrole IPIECA repousse les décisions politiques de régulation des émissions de CO2 faute de « preuve des dérèglements climatiques », un document interne analyse au contraire qu'« une fois les effets mesurables, ils risquent d’être irréversibles ».

1986

Le directeur environnement d'Elf envoie un rapport annuel au comité de direction où il explique que le réchauffement climatique est inévitable et qu’un enjeu de cette envergure exige une stratégie défensive de la part du secteur pour empêcher une taxe sur les combustibles fossiles.

1989

Le Commissaire européen chargé de l'Environnement dépose la proposition des « écotaxes ».

Le lobby international de l'industrie fossile, « Groupe de travail sur les dérèglements climatiques dans le monde », composé de représentants des majors pétrolières mondiales, dont Tramier d’Elf, qui a créé l'année dernière au siège de Total, recommande d’invoquer les incertitudes entourant les prévisions climatiques, la nécessité d’effectuer d'autres recherches, le coût des mesures politiques et d’autres politiques environnementales qui ne nuiraient pas aux intérêts des entreprises.

1992

La proposition d'écotaxe est complètement bloquée au niveau du Conseil des ministres de l'Industrie de l'Union européenne. Le Président du Conseil européen pointe le rôle « des critiques qui [sont venues] [...] en premier lieu des producteurs de pétrole ».

Un rapport interne du Directeur de la stratégie d’Elf indique que la compagnie a pris une part active à faire échouer la proposition et se félicite de ce qu'il considère être une réussite pour la compagnie.

1999

Total et Elf, ainsi que Petrofina une compagnie pétrolière belge, fusionnent.

2005

Total continue à investir plus de 60 milliards de dollars dans la production de pétrole entre 2005 et 2009, et une fois de plus, sans déclarer la somme de ses faibles investissements dans des sources d’énergie non fossile.

2010

De 2010 à 2014, Total injecte environ 127 milliards de dollars dans les activités en amont d’exploration et de production fossile, mais a accordé moins de 3 milliards de dollars aux projets bas-carbone.

2015

Les concentrations de dioxyde de carbone atteignent 400 parties par million.

Entre 2015-2019 Total fait des dépenses constantes en capital qui se chiffrent à 77 milliards de dollars pour la chaîne de production du pétrole et du gaz. En comparaison, les investissements dans les sources d’énergie non fossile n’ont pas dépassé les 5 milliards de dollars.

Aujourd’hui

Total devient Total Energies pour faire croire que l'entreprise investit massivement dans les énergies renouvelables.

Le lobby français des multinationales AFEP, dont Total siège au conseil d’administration, affirme que la loi européenne sur devoir de vigilance des multinationales en cours de négociation ne devrait pas inclure le changement climatique, postulant qu’il n’est pas possible d’« attribuer une responsabilité » ou de « définir le devoir de vigilance sur le changement climatique pour une entreprise particulière. » Cette requête est clairement une réponse au contentieux climatique de Notre Affaire à Tous contre Total.

Face aux alertes des scientifiques, les dirigeants de TotalEnergies ont tout fait pour :

  • Nier le dérèglement climatique en cours et les conséquences dévastatrices pour l’humanité.

« Tous les modèles sont unanimes à prédire un réchauffement de la terre, mais l’amplitude du phénomène reste encore indéterminée. Les premières réactions ont été, bien entendu, de ‘taxer les énergies fossiles’, il est donc évident que l’industrie pétrolière devra une nouvelle fois se préparer à se défendre. »

— Bonneuil et al., (2021), p.11-12.

  • Instaurer le doute auprès des citoyen.nes et des dirigeants politiques sur l’urgence d’opérer une transition.

« Bernard Tramier [directeur environnement d’Elf puis Total] se souvient : « Girault [directeur de la stratégie d’Elf] voyait que ce machin là avait comme conséquence pour nous une taxe, et il était anti-taxe. Il fallait bien s’appuyer sur des arguments, alors il s’appuyait sur ceux qui disaient que le problème climatique n’était pas grave. »

— Bonneuil et al., (2021), p.15.

  • S’opposer vivement à toutes formes de régulation publique ou de taxes sur les énergies fossiles.

« Dans ce rapport, Girault se félicite de la mise en échec récente de l’écotaxe, la mettant au crédit d’un travail de lobbying et de « contacts directs avec les Cabinets Ministériels et administrations concernées, en France (Premier Ministre, Finances, Environnement, recherche, Affaires Européennes…) et auprès de la CEE. »

— Bonneuil et al., (2021), p.16.

Révélations extraites d’un article de recherche publié le 20 octobre 2021 dans la revue Global Environmental Change par trois historiens Christophe Bonneuil, Ben Franta et Pierre-Louis Choquet.

Les chercheurs ont mené l’enquête.

Après avoir reçu d’un collègue au Moyen-Orient la photo d’un article paru en 1971 dans le magazine Total Information qui prouve que Total était au courant du défi climatique à venir, les chercheurs décident de mener l’enquête.
Sans que la multinationale ne se méfie, ils ont eu accès aux archives internes de Total et Elf et ont mené des interviews d’anciens dirigeants de ces entreprises.

Le résultat de leurs recherches est sans appel et fait froid dans le dos. 

Cela fait 50 ans que TotalEnergies a choisi consciemment de retarder la transition climatique pour maintenir quoiqu’il en coûte ses profits issus des énergies fossiles. 

Alors que la multinationale continue aujourd’hui à faire des bénéfices colossaux sur le chaos climatique qu’elle engendre, nous en payons tous le prix : inondations, incendies, pertes des rendements agricoles, coûts des mesures d’adaptation au dérèglement climatique qui pèse sur les pouvoirs et les citoyen.nes, coût de l’inévitable transition climatique plus élevé chaque jour etc.

Changer de nom pour TotalEnergies, pour faire croire qu’ils ont aujourd’hui pris leurs responsabilités et mis en marche la transition énergétique de leurs activités, n’y changera rien. Nous ne sommes plus dupes : la stratégie de Total est la même depuis 50 ans.

TOTAL continue de…

TotalEnergies nous a fait perdre 50 ans pour relever le défi du siècle. Ne perdons pas une minute de plus : demandons aux pouvoirs publics et aux acteurs financiers d’imposer à TotalEnergies le respect des objectifs de l’Accord de Paris.

Faites savoir à nos côtés que nous ne faisons plus confiance à la multinationale pour prendre volontairement ses responsabilités et opérer la transition.