Les auditions ont repris ! Et Notre Affaire à Tous était de la partie …

Paul Mougeolle et Brice Laniyan lors de l’audition de Notre Affaire à Tous au Sénat, le 26 février 2024.

Le lundi 26 février, Paul Mougeolle, doctorant en droit climatique et Brice Laniyan, docteur en droit public, tous deux juristes chez Notre Affaire à Tous, ont été auditionnés par les sénateur.ices sur la question des “différentes pistes juridiques disponibles pour établir la responsabilité des multinationales en matière climatique”. 

Ce moment a également été l’occasion de mettre en avant nos propositions de réglementations visant à responsabiliser les multinationales.

 

Notre Affaire à Tous et ses contentieux climatiques emblématiques 

Notre Affaire à Tous est une association créée en 2015 dont l’objet est de se saisir du droit à des fins de protection de l’environnement. Elle s’inscrit dans le mouvement mondial des contentieux climatiques, notamment avec l’Affaire du Siècle, lancée en 2018 et qui a fait reconnaître l’illégalité de l’inaction climatique étatique en France et la responsabilité de l’Etat pour l’émission de ses gaz à effet de serre excessive. 

Notre Affaire à Tous publie également chaque année un benchmark de la vigilance climatique, qui évalue le volet climat des plans de vigilance d’une vingtaine d’entreprises. Malgré des progrès, aujourd’hui, aucune entreprise ne se conforme aux critères posés

Quasiment au même moment que l’Affaire du Siècle, Notre Affaire à Tous, aux côtés d’ONG et de collectivités territoriales, interpellait TotalEnergies face à l’absence de toute référence au changement climatique dans son premier plan de vigilance, malgré son obligation légale, issue de la loi sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017, de prendre des mesures propres à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement résultant de ses activités. 

Suite à une mise en demeure infructueuse envoyée en octobre 2018, TotalEnergies a été assigné en justice, sur le fondement de la loi relative au devoir de vigilance des entreprises, ainsi que sur l’article 1252 du Code civil relatif à la prévention des dommages environnementaux. Les associations demandent qu’il lui soit ordonné à TotalEnergies de prendre les mesures nécessaires pour réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre afin de afin de rendre son modèle économique compatible avec l'objectif de l'Accord de Paris

Alors que l’Affaire du Siècle a connu de nombreuses victoires sur le fond, avec plusieurs décisions favorables du Tribunal administratif de Paris, l’affaire Total Climat est aujourd’hui toujours au stade de la procédure et aucun jugement sur le fond n’a été rendu. Face à la loi sur le devoir de vigilance, qui ne précise pas les questions de procédures, les entreprises comme Total, qui ont été assignées sur le fondement de cette loi, se sont engouffrées dans la brèche afin de faire durer les débats sur la procédure et retarder les débats sur le fond. 

Ailleurs qu’en France, l’émergence de contentieux climatiques dans divers ordres juridiques ont abouti à des condamnations. 


L’émergence des contentieux climatiques 

Les contentieux contre les États

Depuis le contentieux Urgenda qui a fait condamner les Pays-Bas en 2015 et qui impose une obligation pour l’Etat de baisser drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre, environ 80 cas ont été lancés contre des pouvoirs publics. Plus de 50% de ces contentieux climatiques ont abouti à des victoires (1), permettant ainsi de renforcer l’action climatique et de contribuer à l’évitement des passagers clandestins et des fuites de carbone. 

Malgré les efforts des juridictions qui acceptent d’exécuter les objectifs étatiques, les résultats restent insuffisants puisque dans la majeure partie des cas, ces objectifs ne sont pas alignés avec la limitation de l’augmentation de la température à +1,5°C, prévue par l’Accord de Paris. Les études de Climate Action Tracker démontrent l’inéquitabilité de ces objectifs étatiques vis-à-vis des pays du Sud. Il revient aux pays développés de prendre les devant et d’en faire davantage afin de “montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de l’économie” (2), tel que le prévoit l’Accord de Paris. 

Afin de renforcer la mise en œuvre de ce traité international historique, de nombreuses affaires sont actuellement pendantes devant diverses juridictions internationales, notamment devant la Cour internationale de justice et le Tribunal international de la mer. La Cour interaméricaine des droits de l’Homme a récemment été saisie pour avis consultatif par le Chili afin de clarifier le champ d’application des obligations climatiques qui incombent aux Etats. Les décisions qui seront rendues par ces juridictions internationales constitueront autant de standards relatifs à la protection du climat dont devront se saisir les juges et les législateurs nationaux.

“[Il y a] Entre 2000 et 3000 contentieux climatiques, à la fois contre les Etats et les acteurs privés” - Paul Mougeolle, audition du 26 février 2024, Sénat

Les contentieux contre les multinationales 

Au Royaume-Uni, le duty of care prévu par la common law, a permis d’aboutir à des condamnations de sociétés-mères pour des faits commis par leurs filiales, à l’étranger, notamment en Afrique du Sud. Cette affaire Chandler (3) a été jugée par la Cour d’appel de Londres. 

Récemment, la Cour suprême du Royaume-Uni a émis plusieurs jurisprudences sur la possibilité de tenir responsable certaines multinationales pour des faits commis à l’étranger, notamment en ce qui concerne Shell pour des faits de marée noire au Nigéria et Vedanta pour des graves pollutions en Zambie (4). 

Aux Pays-Bas, Shell a également été condamnée par la Cour d’appel, qui a imposé une obligation de résultat à la société-mère visant à la non-survenance de marées noires au Nigéria. 

En Nouvelle Zélande, la cour suprême a récemment jugé l’action Smith contre Fronterra recevable en déclarant que le droit commun de la responsabilité s’applique aux acteurs privés en matière climatique

Si la multiplication des contentieux climatiques dans les ordres juridiques nationaux et internationaux permettront sans doute l’émergence de nouvelles législations plus ambitieuses en matière de protection de l’environnement et du climat, il existe déjà, en droit français, des bases juridiques permettant d’engager la responsabilité des multinationales.

La caractérisation de la faute des multinationales 

En droit français, il existe un principe de responsabilité individuelle de l’entreprise : la commission par d’autres entreprises d’actes fautifs illégaux ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité.  

Ce principe est généralement objecté par les représentants de l’industrie fossile, en France, comme ce fut le cas de Christophe de Margerie, PDG de Total de 2010 à 2014 selon qui « Tant que ce n’est pas interdit, c’est permis ». Cette assertion était suivie de : « Si nous avons des pratiques illégales, qu’on nous condamne en justice ! ».

Les collectivités territoriales, les États américains, les ONGs et les personnes physiques se sont contentés de prendre au mot les représentants de l’industrie fossile et de saisir les tribunaux pour qu’ils se prononcent sur la responsabilité climatique des Majors du carbone ; sachant que les objectifs climatiques des États ne seront jamais atteints sans le concours plein et entier du secteur privé.

Quelle est la voie royale pour lancer un recours climatique contre une entreprise? 

Le droit commun de la responsabilité, le droit délictuel, qui dans tous les systèmes juridiques prévoit une obligation de prudence, un duty of care permet de lancer des recours climatiques contre les multinationales. 

L’obligation de prudence repose sur le principe selon lequel nul ne doit nuire à autrui et à l’environnement – nul ne doit occasionner consciemment des pertes et préjudices.

La présence de cette obligation de prudence signifie que, même en l’absence d’une norme indiquant explicitement l’interdiction tel ou tel comportement, ou action, une entreprise est tenue de faire preuve de prudence, agir de manière raisonnable et éviter tout comportement fautif ou négligent, susceptible de créer des risques d’atteinte graves aux droits humains et à l’environnement.

Pour apprécier si une entreprise se conforme ou non à son devoir de prudence, le juge s'appuie sur un standard de comportement. Il s’agit d’une norme « ouverte », lui offrant ainsi une certaine souplesse et plasticité pour s’adapter aux évolutions de la société, de la technique et de la science.

Le droit de la responsabilité civile s’est d’ailleurs déjà adapté aux nouveaux risques survenus avec la révolution industrielle, il apparaît donc logique qu’il s’adapte à présent aux conséquences de cette révolution sur le climat, l’environnement et les droits humains.

Pour caractériser l’existence d’une faute de prudence imputable à une entreprise, le juge peut s’appuyer sur :

  • Le lien entre les activités de l’entreprise et l’existence d’un danger ou d’un risque (en l’occurrence le réchauffement climatique);

  • La période où l’entreprise a eu connaissance des impacts négatifs liés à ses activités;

  • La probabilité et la gravité que le danger se produise effectivement et ce malgré sa relative incertitude;

  • La capacité de l’entreprise à atténuer ces impacts négatifs et à transitionner.  

Aux Pays-Bas, c’est en suivant ce raisonnement que le tribunal de La Haye a condamné l’entreprise Shell, pétro-gazière similaire à TotalEnergies, à réduire ses émissions de 45% sur l’intégralité de sa chaîne de valeur d’ici 2030.

En France, la jurisprudence Distilbène a reconnu la possibilité de se fonder sur les anciens articles 1382 et 1383 du Code civil (désormais article 1240-1241 du Code civil) pour engager la responsabilité d’un laboratoire, fabricant et distributeur de médicaments, pour défaut de vigilance dans sa gestion de risques connus et identifiés sur le plan scientifique d’un produit dangereux pour la santé. 

En se fondant sur cette jurisprudence, il est possible d’imaginer qu’un juge puisse caractériser un manquement à un devoir de prudence en matière climatique d’une pétro-gazière comme Shell en prenant en compte :

  • Les rapports du GIEC qui indiquent, depuis de nombreuses années, les dangers et risques liés à un réchauffement à 1,1 ° et l’importance de chaque dixième de degré supplémentaire; 

  • Le fait que les fossiles soient le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre; 

  • Les informations données par la science, l’AIE et l’ONU indiquant qu’une entreprise qui continue de développer de nouveaux projets fossiles compromet fortement les chances de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C; 

  • La connaissance de certaines entreprises depuis les années 1970, avant même la création du GIEC et de la Convention cadre des NU, des graves impacts des énergies fossiles sur l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre; 

  • L’investissement des majors du carbone dans le lobbying anti-climat au détriment de l’évolution de leur modèle économique via de nouvelles capacités de renouvelables. 

Ces éléments permettraient ainsi de caractériser la faute d’une entreprise pétro-gazière en se fondant sur le droit commun de la responsabilité.

Ce type d’actions jouit par ailleurs d’une forte légitimité et d’un soutien d’institutions telles que la Banque centrale européenne, laquelle doit gérer des risques systémiques et financiers qui aujourd’hui sont intimement liés à la capacité des institutions financières et leurs clients à transitionner et cesser le développement de nouveaux projets fossiles.

A cet égard, il est nécessaire de prendre conscience de l’existence d’un véritable dialogue des juges. Ces derniers observent ce que font leurs homologues dans d’autres systèmes juridiques. Les recours à l’étranger pourraient ainsi avoir un impact, voire même s’exporter en France

Chaque cour suprême dispose d’un département consacré à l’étude de décisions étrangères, censées nourrir leur propre travail juridictionnel. Ainsi, une réunion internationale « Justice, Générations futures et Environnement », organisée au Conseil constitutionnel réunissait, le 7 février dernier, une centaine de Présidents et juges de cours suprêmes nationales, de cours régionales et de juridictions internationales. Ce type d’événements, relativement fréquent,  peut impliquer la Cour de cassation ou le Conseil d’État.


Les pistes juridiques disponibles pour établir la responsabilité des multinationales en matière de climat

  • Au-delà du droit commun de la responsabilité civile et du devoir de prudence des entreprises, une autre piste juridique permettant d’établir la responsabilité des multinationales est la loi relative au devoir de vigilance des entreprises mères et donneuses d’ordre. Celle-ci peut être qualifiée de “déclaration des droits de l’homme et du citoyen de notre temps”, puisqu’elle permet d’exiger des entreprises qu’elles contribuent à la limitation de la température globale à 1,5 °C par des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves.
    Toutefois, la juridictionnalisation de cette loi rencontre de nombreuses difficultés liées à l’incertitude sur l’interprétation du devoir de vigilance en matière climatique. Afin de remédier à ces limites, il conviendrait de préciser quelles sont les obligations climatiques pour chaque entreprise de chaque secteur.

  • L’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que “Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”. L’article 2 de la Charte prévoit lui que, “Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement”.
    Dans une jurisprudence d’avril 2011, la Cour constitutionnelle, saisie d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a indiqué qu’”il résulte de ces dispositions que chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité” (5). Cette obligation fait écho à l’obligation de vigilance des multinationales. Elle peut être invoquée en complément du préjudice écologique.

  • D’origine prétorienne, le préjudice écologique a été intégré dans le code civil en 2016 à la suite de l’affaire Erika, dans laquelle Total a été condamné en 2010. Cette affaire, qui a marqué le droit de l’environnement, tire son origine de la marée noire de 1999 survenue au large de la Bretagne et qui a été causée par le naufrage du pétrolier Erika, affrété par la société Total-Fina-Elf.
    Les principes de la réparation et de la prévention du préjudice écologique, désormais prévus aux articles 1246 à 1252 du code civil, ont été reconnus comme applicables en matière climatique grâce au jugement de 2021 de l’Affaire du Siècle, lequel a obligé la France à compenser le budget carbone que l’Etat avait dépassé.

    De même que cet article a été intégré dans l’ordre juridique contraignant à la suite d’une jurisprudence innovante du juge, il est possible d’imaginer qu’une réglementation imposée aux multinationales émerge après que l’une d’entre elle ait été condamnée devant les tribunaux.

  • Celles-ci découlent du code de la consommation, plus précisément de l’article L.121-1. Elles interdisent les entreprises à opérer des publicités, allégations publiques par lesquelles elles peuvent induire le consommateur en erreur.
    Malgré les nombreuses allégations de neutralité carbone qui existent aujourd’hui, aucune entreprise n’est aujourd’hui capable de démontrer qu’elle a des objectifs à court et moyen termes compatibles avec l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050.
    Ces allégations de neutralité carbone constituent des pratiques commerciales trompeuses puisqu’elles laissent croire que les entreprises sont sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris. Or les instances de l’ONU ont démontré que cela n’était pas le cas.

  • Ce règlement oblige chaque entreprise cotée en bourse à divulguer des informations “précises, exactes et sincères” (6). Aujourd’hui, la divulgation des informations climatiques par les entreprises, destinées aux investisseurs et au public, est imprécise et contient encore trop d’inexactitudes.

  • Si aujourd’hui les recours climatiques en France se déroulent principalement au civil, via des demandes d’injonctions, il est possible d’imaginer l’émergence de recours indemnitaires et de recours fondés sur le droit pénal. Une plainte a notamment été déposée l’année dernière contre TotalEnergies, visant différentes infractions du code pénal :
    - abstention de combattre un sinistre;
    - atteintes involontaires à l'intégrité de la personne;
    - destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui de nature à créer un danger pour les personnes;
    - homicide involontaire.

    La mise en danger de la vie d’autrui, inscrite à l’article 223-1 du code pénal, pourra également être mobilisée puisqu’il a été reconnu par le GIEC que le changement climatique met en danger la vie humaine (7).
    L’infraction d’écocide a récemment été intégrée dans le code pénal en France, ajoutant une nouvelle base juridique mobilisable dans les contentieux environnementaux.

 

Les pistes législatives pour renforcer le droit existant

Bien que le droit existant contienne déjà des fondements juridiques permettant d’engager la responsabilité des multinationales, des réformes législatives s’imposent au regard des manœuvres dilatoires des acteurs privés qui empêchent les débats au fond dans les procès en cours. La France se doit de garantir l’Etat de droit et de se conformer à l’obligation de réglementer les entreprises multinationales, aujourd’hui ineffective.

Pour ce faire, il est nécessaire d’opérationnaliser le principe de responsabilité afin de répondre aux besoins d’atténuation, d’adaptation et de pertes et préjudices.

“Il y a, en terme de protection internationale des droits de l’homme, une obligation de réglementer les multinationales. Donc ce n’est pas une possibilité : c’est une véritable obligation.” - Paul Mougeolle, audition du 26 février 2024, Sénat

  • Alors qu’en décembre dernier, les institutions européennes se sont mises d’accord sur un texte final de compromis, ce texte est menacé de ne pas être adopté par le Conseil de l’UE, bloqué notamment par la position de l’Allemagne.
    Quasiment quatre ans après la proposition de la Commission pour faire adopter ce texte majeur qui permettrait de poser un devoir de vigilance à toutes les entreprises d’une certaine taille ayant leur siège social dans l’UE, celui-ci est plus que jamais menacé. Il en va de la responsabilité de la France de faire en sorte que ce texte soit adopté dans les prochains jours.

  • La France a montré par le passé qu’elle peut prendre les devants en matière de réglementation, notamment avec sa loi de 2017 relative au devoir de vigilance des entreprises qui a eu un effet d'entraînement partout en Europe.
    Aujourd’hui, la loi Hulot, transposée à l’article L. 111-13 du code minier, interdit “la recherche et l'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique” sur le territoire national. Afin de faire de cette loi un véritable outil de lutte contre le changement climatique, il conviendrait de rendre sa portée extraterritoriale pour interdire aux major pétro gazières comme Total d’implanter de nouveaux projets d’exploitation à l’étranger.

  • Cette autorité serait chargée de surveiller la mise en œuvre des législations imposant des obligations climatiques aux multinationales. Aujourd’hui, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) effectue cet exercice pour la France, il est possible d’imaginer un mécanisme similaire pour les acteurs privés.

  • Les coûts d'adaptation ne sont aujourd’hui aucunement provisionnés. Les entreprises ne sont soumises à aucune obligation concernant leur contribution à des fonds spéciaux affectés au coût de l’indemnisation des pertes et préjudices liés au réchauffement climatique ou à l’adaptation. La France doit donc créer des fonds spéciaux pour obliger les entreprises à contribuer à la réparation des dommages climatiques.

  • Face à une justice qui patine et des procédures extrêmement longues en matière de devoir de vigilance, le législateur devrait instaurer un mécanisme similaire à celui prévu devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour accélérer les recours fondés sur la loi de 2017.

— Allouer des budgets carbone individuels pour chaque entreprise

“[Le parlement] pourrait par exemple allouer des budgets carbone individuels pour chaque entreprise les plus contributrices en France” - Brice Laniyan, audition du 26 février 2024, Sénat

Conclusion

TotalEnergies est l’une des 20 entreprises fossiles ayant le plus contribué au dérèglement climatique dans le monde, depuis 1965. Comme révélé ici-même, les dirigeants et salariés du groupe avaient connaissance dès 1971 de l’impact de leurs activités sur le climat. Sollicitée par notre association depuis plusieurs années, cette commission est nécessaire pour faire émerger une politique climatique ambitieuse de la France, qui a le devoir de réglementer ses entreprises les plus climaticides - et dont la majeure partie de la pollution est exportée.

Cette audition a donc été l’occasion d’exposer le travail que Notre Affaire à Tous mène depuis près de 10 ans afin de responsabiliser les multinationales, à la fois en se saisissant des fondements juridiques existants et en menant un plaidoyer pour l’adoption d’un arsenal juridique davantage contraignant, capable de faire face aux enjeux climatiques. 

Quelle est la prochaine étape ? 

En apportant nos éclairages juridiques, nous espérons avoir contribué à la réflexion sur “les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques [...] de la France”. Les auditions se poursuivront jusqu’en juin et devraient aboutir à l’adoption d’un rapport dans lequel figureront les solutions évoquées depuis janvier. 

 
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Notes :

(1) Voir Setzer et al 2023, autrice du GIEC

(2) Article 4 paragraphe 4 de l’Accord de Paris

(3) Voir l’Affaire Chandler V. Cape

(4) Voir Victory over Vedanta

(5) Décision n° 2011-116 QPC « Michel Z. »

(6) Article 223-1 du règlement de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF)

(7) GIEC, AR6, WG II, § SPM.B.1.4 ; v. aussi: HRI/2019/1: Five UN human rights treaty bodies issue a joint statement on human rights and climate change

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